Publicité transfrontière en Europe : le cas de la France et de la Suisse

A propos de Conseil d’État, 21 novembre 2003, SSR c/ Société Métropole Télévision

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur une requête de la société Suisse de Radiodiffusion et télévision tendant à obtenir l’annulation de la convention conclue le 8 octobre 2001 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société Métropole Télévision, par laquelle ont été fixées les obligations particulières applicables au service de télévision dénommé M6 en vue de sa diffusion par satellite en Suisse, incluant des messages publicitaires spécifiques au marché suisse.

A l’appui de sa requête la SSRA évoquait aussi bien la violation par le CSA des dispositions de la convention européenne sur la télévision transfrontière, la loi française du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 modifié relatif à la diffusion par câble et par satellite.

Plus précisement, la requérante soutenait notamment que la transmission par satellite vers la Suisse, à partir du territoire français, du service M6 incluant des messages publicitaires spécifiques au marché suisse, relèverait de la compétence des autorités suisses et non de celle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, instance compétente en France dans le domaine de l’audiovisuel ; la remise en cause du pluralisme des programmes en Suisse en raison de la diffusion des émissions de M6 et la captation du marché publicitaire ; une atteinte à son droit de propriété résultant de ce que la M6 serait autorisée à diffuser en Suisse des programmes dont elle détient les droits exclusifs de diffusion pour ce pays…

Tous les moyens soulevés par la SSR ont été rejetés par le Conseil d’Etat. La Haute juridiction retient notamment « qu’à l’exception des messages publicitaires spécifiques au marché suisse, ce service consiste en la reprise intégrale et simultanée du service de programmes M6, titulaire d’une autorisation d’usage de fréquences en application de l’article 30 de la loi du 30 septembre 1986 et régi par la convention conclue le 24 juillet 2001 avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en application de l’article 28 de cette loi, pour sa diffusion par voie hertzienne terrestre. »




La couverture du territoire français en réseau de téléphonie mobile : sur l’interventionnisme des collectivités territoriales.

Un nouveau décret du 14 novembre 2003 (Journal officiel du 16 novembre 2003) vient de préciser les modalités d’intervention des collectivités territoiriales en matière de création et de location des infrastructures de télécommunications, et en particulier leurs capacités à consentir des subventions aux opérateurs GSM en vue de la couverture du terrioire au travers la location des infrastructure passive de télécommunications à des tarifs inférieurs à leurs coûts.

Une contractualisation préalable des engagements…

Préalablement à l’adoption de ce décret, une convention signée le 15 juillet 2003 entre l’Etat, les opérateurs de réseaux mobiles de la norme GSM, l’ART, l’Association des Départements de France et l’Association des Maires de France, avait identifié les zones blanches non couvertes par aucun des opérateurs de téléphonie mobile, et concluait à l’urgence de couvrir 1250 sites radio en 2003-2004. Par cette convention les collectivités territoriales approuvaient aussi le principe de réalisation des infrastructures passives de télécommunications à mettre à disposition des opérateurs qui accepteraient de l’exploiter.

Sur le plan pratique, la convention du 15 juillet 2003 sera complétée par des conventions au niveau local entre les opérateurs et les maîtres d’ouvrages publics (collectivités territoriales, établissements publics, etc…).

et un encadrement européen et national…

En ce qui concerne la conclusion de ces conventions ou leur applications, les collectivités bailleresses devront veiller à ne pas pas porter atteinte aux droits de passage dont bénéficient les opérateurs de télécommunications autorisés ainsi qu’à retracer au sein d’une comptabilité distincte les dépenses et les recettes relatives à la construction, à l’entretien et à la location des infrastructures en cause.

Outre les textes nationaux les rédacteurs de ces documents devront certainement s’inspirer des lignes directrices de la Commission européenne relatives aux critères et modalités de mise en oeuvre des fonds structurels en faveur des communications électroniques SEC (2003) 895 du 28 juillet 2003. Celles-ci, sans avoir une valeur contraignantes, précisent notamment que : « si l’infrastructure est mise à la disposition d’entreprises, il ne peut y avoir de discrimination dans l’accès et il convient de percevoir les redevances appropriées. Ces redevances ne doivent pas couvrir l’ensemble du coût de l’investissement – dans les cas où le marché ne peut fournir de services équivalents – mais elles ne doivent pas permettre aux utilisateurs de l’infrastructure de réaliser des bénéfices supplémentaires au delà d’une rentabilité correcte. Néanmoins, si un service équivalent à celui fourni par l’infrastructure existe déjà sur le marché, l’infrastructure doit être louée à un prix permettant de couvrir les coûts et d’assurer une rentabilité correcte de l’investissement. Si un tiers est chargé de la gestion des installations, la concession doit être de durée limitée et résulter d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire ; il est préférable d’opter pour une procédure concurrentielle et de faire payer au détenteur de la concession une compensation répondant aux conditions de marché. De manière générale, cette procédure doit être organisée au niveau approprié (national, régional ou local) sous la supervision de l’autorité compétente, qui doit veiller au respect de la législation applicable et à la cohérence avec les politiques nationales et régionales en matière de société de l’information. Le gestionnaire de l’infrastructure doit respecter des conditions d’exploitation qui permettent de préserver la nature de l’infrastructure, soit celle d’une infrastructure ouverte sans discrimination à tous les opérateurs fournissant des réseaux et des services de communication électronique. »

Un financement national et européen

En ce qui concerne le financement de la création de ces infrastructures de télécommunications, les subventions prévues par le décret précité consistent, sous certaines conditions, à permettre aux collectivités de louer les infrastructures qu’elles peuvent créer en vertu de l’article L. 1511-6 du code général des collectivités territoriales. Rappelons que cet article est inscrit dans un titre conacré aux aides aux entreprises et que l’Etat avait déjà décidé d’affecter 44 millions d’euros à l’extension de la couverture du territoire par des réseaux de téléphonie mobile.

sur le plan européen des outils sont aussi prévus en vue d’aider les collectivités locales, notamment dans le cadre du Fonds européen de développement régional (FEDER) qui constitue le principal instrument financier de soutien à la cohésion et à la politique régionale de l’Union européene.

Toutefois, en dépit de l’apport important de ce décret dans la démocratisation des télécommunications, on peut néanmoins regretter que celui-ci se limite à la téléphonie mobile en excluant la question de déploiement des infrastructures de réseaux fixes haut débit en dehors des grandes agglomérations, plus particulièrement dans les zones rurales. On aura enfin remarquer que ce dispositif ne permet pas aux collectivités d’exploiter directement des infrastructures de télécommunications dans la mesure où il se fonde sur l’article L. 1511-6 du CGCT. Toutefois le projet de la loi pour la confiance dans l’économie numérique en discussion au Parlement, s’il est adopté dans sa version arrêtée par l’Assemblée nationale, permettra aux collectivités territoriales d’exploiter directement les réseaux de télécommunications comme tout autre opérateur du secteur.

Christian NZALOUSSOU




Principes et obligations de la fonction publique et utilisation de l’adresse électronique professionnelle

Le Conseil d’Etat vient de rappeler aux agents publics que l’Internet ne les affranchit pas du respect des principes et obligations de la fonction publique qui les régissent (CE 15 octobre 2003 M. Jean-Philippe X…, Req. n° 244428).

Dans cette affaire le Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche avait infligé à un agent de l’Ecole nationale des arts et métiers la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis

Le Conseil d’Etat approuve les juges du fond d’avoir relevé d’une part que le fait pour cet agent d’utiliser des moyens de communication du service au profit de l’Association pour l’unification du christianisme mondial et, d’autre part, que le fait d’apparaître, dans les conditions susrappelées, sur le site de cette organisation en qualité de membre de celle-ci, constituaient un manquement au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité qui s’impose à tout agent public.

Cet arrêt a été aussi une occasion pour le Conseil d’Etat de préciser que le Conseil de discipline, dans la mesure où il se limite à proposer une sanction, ne présente pas le caractère d’une juridiction au sens des stipulations du 1 de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme lesquelles garantissent le caractère public, équitable, contradictoire et impartial d’un procès.

Chritian NZALOUSSOU




Droit de l’informatique : précisions sur les notions de traitement de données à caractère personnel et de transfert de données

Champ d’application de la directive relative à la protection des personnes physique à l’égard du traitement des données

La Cour de Justice des Communautés européennes vient de préciser (CJCE 6 novembre 2003, Bodil Lindqvist affaire C-101/01) le champ d’application de la directive 95/46 /CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, y compris la notion de transfert de données personnelles vers un pays tiers.

Selon la Cour :

– L’opération consistant à faire référence, sur une page Internet, à diverses personnes et à les identifier soit par leur nom, soit par d’autres moyens, par exemple leur numéro de téléphone ou des informations relatives à leurs conditions de travail et à leurs passe-temps, constitue un « traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 /CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

– Un tel traitement de données à caractère personnel ne relève d’aucune des exceptions figurant à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46.

– L’indication du fait qu’une personne s’est blessée au pied et est en congé de maladie partiel constitue une donnée à caractère personnel relative à la santé au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 95/46.

– Il n’existe pas de « transfert vers un pays tiers de données » au sens de l’article 25 de la directive 95/46 lorsqu’une personne qui se trouve dans un État membre inscrit sur une page Internet, stockée auprès d’une personne physique ou morale qui héberge le site Internet sur lequel la page peut être consultée et qui est établie dans ce même État ou un autre État membre, des données à caractère personnel, les rendant ainsi accessibles à toute personne qui se connecte à Internet, y compris des personnes se trouvant dans des pays tiers.

– Les dispositions de la directive 95/46 ne comportent pas, en elles-mêmes, une restriction contraire au principe général de la liberté d’expression ou à d’autres droits et libertés applicables dans l’Union européenne et correspondant notamment à l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Il appartient aux autorités et aux juridictions nationales chargées d’appliquer la réglementation nationale transposant la directive 95/46 d’assurer un juste équilibre des droits et intérêts en cause, y compris les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique communautaire.

– Les mesures prises par les États membres pour assurer la protection des données à caractère personnel doivent être conformes tant aux dispositions de la directive 95/46 qu’à son objectif consistant à maintenir un équilibre entre la libre circulation des données à caractère personnel et la protection de la vie privée. En revanche, rien ne s’oppose à ce qu’un État membre étende la portée de la législation nationale transposant les dispositions de la directive 95/46 à des domaines non inclus dans le champ d’application de cette dernière, pour autant qu’aucune autre disposition du droit communautaire n’y fasse obstacle.

Christian NZALOUSSOU




Sélection du transporteur en matière de télécommunications et protection du consommateur

CE 15 octobre 2003, l’Association de Défense, d’Education et d’Information du Consommateur (ADEIC)

CE 15 octobre 2003, l’Association de Défense, d’Education et d’Information du Consommateur (ADEIC), l’Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs et autres Req. n° 240645

La sélection du transporteur est un mécanisme qui permet aux abonnés de France Télécom de confier à des transporteurs alternatifs leurs appels nationaux, internationaux et fixe vers mobile, à l’exclusion des appels locaux et les appels à destination des numéros spéciaux, courts et d’urgence. Ce mécanisme, mise en œuvre pour favoriser la concurrence entre l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs, peut se présenter sous la forme de sélection appel par appel ou sous la forme de présélection.

Par un arrêté du 26 septembre 2001 du secrétaire d’Etat à l’industrie a homologué la décision n° 2001-691 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2001 précisant les conditions et les délais de mise en oeuvre de la sélection du transporteur pour les appels locaux internes aux zones locales de tri. Cet arrêté a été attaqué devant le Conseil d’Etat par diverses associations de défense de consommateurs en ce qu’il a homologué le 2e alinéa de l’article 4 de la décision précitée de l’ART lequel serait contraire à l’article L. 122-3 du code de la consommation qui interdit la fourniture de services sans commande préalable du consommateur lorsqu’elle fait l’objet d’une demande de paiement.

Le Conseil d’Etat fait droit à la demande d’annulation sur ce fondement en considérant que, la disposition critiquée a pour objet de mettre en oeuvre, sur demande des opérateurs, un processus technique de suppression du tri des appels locaux dans des conditions telles que les usagers desdits opérateurs seront automatiquement regardés, sauf refus exprès, comme ayant tacitement accepté une modification de leur contrat d’abonnement par adjonction de ce nouveau service.

Le Conseil rappelle donc que, dans l’exercice des compétences qu’elle tient des dispositions de l’article L. 36-6 et D. 99-16 du code des postes et télécommunications, « il incombe à l’Autorité de régulation des télécommunications de ne pas placer les opérateurs – serait-ce dans le but de favoriser une concurrence plus ouverte – en situation de méconnaître les dispositions précitées du code de la consommation qui interdisent la vente sans commande préalable ; qu’en subordonnant seulement à deux démarches préalables d’information des abonnés par les opérateurs l’extension de leur contrat au nouveau service des appels locaux, ce qui impliquait que le silence des abonnés vaudrait acceptation tacite de cette modification contractuelle, l’article 4 de la décision attaquée de l’Autorité de Régulation des Télécommunications a méconnu les dispositions de l’article L. 122-3 précité du code de la consommation. »

Christian NZALOUSSOU