Le bénéficiaire de l’autorisation doit-il prendre en charges ces frais ?
Le bénéficiaire d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public doit supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation, lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine.
Cour Administrative d’Appel de Nancy 3 juillet 2003, Req. n° 02NC01088
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 octobre et 29 novembre 2002 au greffe de la cour, présentés pour la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG, dont le siège est 1, Place de l’Etoile à Strasbourg (Bas-Rhin), par la SCP Roger- Sevaux, avocat aux conseils ;
La COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG demande à la cour :
1°) – d’annuler le jugement du 30 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, d’une part, annulé le titre exécutoire émis le 22 décembre 1999 à l’encontre de France Télécom aux fins de paiement d’une somme de 7 031 748,78 F, d’autre part, déchargé France Télécom de l’obligation de payer cette somme ;
2°) – de rejeter l’opposition formée par France Télécom audit titre exécutoire ; 3°) – de condamner France Télécom à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;
…
Vu le jugement attaqué ; Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que France Télécom, mise en demeure à cet effet par correspondance en date du 12 février 2003, n’a pas produit de mémoire en défense ;
Vu l’ordonnance du président de la 3ème chambre de la Cour, portant clôture de l’instruction à compter du 23 avril 2003 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code des postes et télécommunications ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 juin 2003 :
– le rapport de M. VINCENT, Président,
– et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, dans le cadre des travaux de construction de la ligne A du tramway -tronçon 5- dont la maîtrise d’ouvrage avait été déléguée par la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG à la Compagnie des transports strasbourgeois, celle-ci a été amenée à faire déplacer les ouvrages souterrains de télécommunciation exploités par France Télécom ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG ayant estimé que le coût des travaux correspondants devait être pris en charge par France Télécom, a établi à son encontre le 6 décembre 1999 une facture d’un montant de 7 031 748,78 F, puis émis à cet effet le 22 décembre 1999 un titre exécutoire en vue du recouvrement de cette somme ; que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG relève appel du jugement du 30 juillet 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la requête de France Télécom tendant à l’annulation dudit titre exécutoire et à la décharge de l’obligation de payer cette somme ;
Sur le bien-fondé du titre exécutoire :
Considérant que le bénéficiaire d’une autorisation temporaire d’occupation du domaine public doit supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation, lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine ;
Considérant que les travaux de construction d’une ligne de tramway en site propre ont pour objet de faciliter la circulation sur la voie publique et sont ainsi entrepris dans l’intérêt du domaine public routier ; que l’implantation d’une ligne de tramway sur la voie publique doit par ailleurs être regardée comme un aménagement conforme à la destination normale du domaine public routier ; que, par suite, selon le principe ci-dessus rappelé, il incombe en l’espèce à France Télécom de supporter sans indemnité les frais occasionnés par le transfert de ses réseaux nécessité par l’installation de la ligne A du tramway sur la voirie gérée par la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG ;
Considérant enfin qu’en admettant même qu’une convention en sens contraire puisse conduire à écarter le principe précité de prise en charge du coût des frais de déplacement de leurs ouvrages par les bénéficiaires d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public routier, une telle dérogation ne pourrait en tout état de cause procéder que d’une convention à laquelle est partie la collectivité propriétaire du domaine public routier ou, le cas échéant, celle appelée à en assurer l’aménagement et l’entretien et, par voie de conséquence, à effectuer les travaux conformes à la destination de ce domaine ; qu’en l’espèce, par application de l’article L 5215-20 du code général des collectivités territoriales, la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG s’est vu transférer de plein droit les compétences attribuées aux communes en matière de voirie et était donc seule en mesure de consentir le cas échéant une dérogation au principe susrappelé ;
Considérant, d’une part, qu’il ne résulte pas des termes du traité de concession conclu le 27 décembre 1990 entre la Compagnie des transports strasbourgeois et la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG par laquelle celle-ci a confié à celle-là la maîtrise d’ouvrage des travaux de déviation des réseaux, que les parties seraient convenues de confier au maître d’ouvrage délégué le soin de décider avec les exploitants du principe et des modalités de leur participation au coût de ces travaux ; qu’au contraire, l’article 15-3 du cahier des charges relatif à la construction de la ligne de tramway, annexé à ladite convention, stipule expressément que le coût des déviations de réseaux est à la charge des gestionnaires desdits réseaux ;
Considérant, d’autre part, que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG n’y étant pas partie, France Télécom ne saurait par ailleurs utilement invoquer les termes de la convention du 23 avril 1991 conclue entre elle-même et la Compagnie des transports strasbourgeois, selon lesquels celle-ci assure le financement des travaux de transfert des réseaux en tant que maître d’ouvrage du réseau de tramway, dès lors qu’il ne ressort d’aucune disposition de cette convention que la Compagnie des transports strasbourgeois aurait agi à cet égard en qualité de mandataire de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG ou pour le compte de celle-ci ; qu’au surplus, aucune stipulation de ladite convention ne prévoit que la Compagnie des transports strasbourgeois se serait engagée à prendre définitivement à sa charge le coût de transfert des réseaux exploités par France Télécom, contrairement à l’article 15-3 susmentionné de l’annexe à la convention précitée du 27 décembre 1990, qui évoquait l’éventualité d’un simple préfinancement ; qu’au demeurant, la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG avait expressément informé France Télécom, par correspondance en date du 24 octobre 1990 confirmée le 29 janvier 1991, de ce qu’elle entendait faire application à son égard du principe précité et qu’elle serait ainsi amenée le moment venu à lui facturer les sommes qu’elle aurait exposées pour procéder aux déviations de réseaux après en avoir remboursé le montant à la Compagnie des transports strasbourgeois, appelée à les préfinancer aux termes de la convention précitée du 27 décembre 1990, comme il a été dit ci-dessus ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, pour faire droit aux conclusions susénoncées de France Télécom, le Tribunal administratif de Strasbourg s’est fondé sur les stipulations de la convention précitée conclue entre France Télécom et la Compagnie des transports strasbourgeois ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par France Télécom devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, que le titre exécutoire attaqué indique les bases de la liquidation, l’identité de l’ordonnateur ainsi que l’objet de la créance ; que la circonstance que le cachet et la signature de l’ordonnateur n’y figurent pas est sans incidence sur sa régularité ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité du titre exécutoire ne peut être accueilli ;
Considérant, en second lieu, que France Télécom ne conteste pas les explications détaillées produites en première instance par la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et tendant à faire apparaître que les dépenses correspondant respectivement à la nécessité d’approfondissement de son réseau résultant de la modification du planning, aux travaux communs à plusieurs gestionnaires de réseaux, à la voirie provisoire route du Rhin, à la signalisation temporaire des réseaux et à la maîtrise d’oeuvre générale doivent demeurer à sa charge ; qu’aucune pièce du dossier ne s’inscrit à l’encontre de ces écritures ; que, par suite, France Télécom n’est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que le montant de la créance litigieuse soit réduit à due concurrence des sommes correspondant à ces postes de dépenses ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité dudit jugement et sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la demande de première instance, que la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG est fondée à demander l’annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de France Télécom devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative, de condamner France Télécom à verser à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 juillet 2002 est annulé.
ARTICLE 2 : La demande de France Télécom devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
ARTICLE 3 : France Télécom versera à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG une somme de 1 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
ARTICLE 4 :Le surplus des conclusions de la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG est rejeté.
ATICLE 5 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE URBAINE DE STRASBOURG et à France Télécom.