L’urgence dans la contestation en référé de la résiliation d’une convention d’occupation du domaine public d’un opérateur de télécommunications.
Le Conseil d’Etat a refusé de donner une suite favorable à une requête en référé tendant à obtenir l’annulation de la décision prise par le maire de Marseille et annulant une convention d’occupation du domaine public conclu par un opérateur de télécommunications.
Si la haute juridiction considère « qu’il entre dans les pouvoirs du juge administratif, saisi, y compris par le cocontractant, de conclusions en ce sens, de prononcer l’annulation de décisions portant résiliation de conventions d’occupation du domaine public », le Conseil d’Etat rejète en l’espèce la demande en référé au motif que la condition de l’urgence n’est pas remplie.
Le Conseil d’Etat relève en effet qu’il ne ressort pas de l’instruction que « l’interruption du fonctionnement de ces installations réduirait la couverture des services de téléphonie mobile offerts par la société requérante dans l’agglomération marseillaise ou altérerait, de façon notable, leur qualité ; que la société requérante ne justifie pas que la suppression de ces installations impliquerait d’engager des travaux importants ».
Conseil d’Etat 8 / 3 SSR, 22 mai 2002, SFR c/ Ville de Marseille, req. n° 236223
. REPUBLIQUE FRANCAISE
. AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet 2001 et 1er août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR), dont le siège est 1, place Carpeaux, Tour Sequoïa à Paris La Défense (92915) ; la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 28 juin 2001 par laquelle le vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de la décision du maire de Marseille du 24 avril 2001 ayant résilié la convention spécifique n° 2 en date du 14 octobre 1999, passée entre la ville de Marseille et la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR), relative à l’occupation du site de l’école des Borels par des ouvrages de radiotéléphonie mobile macro-cellulaires et ayant enjoint à cette société de démonter les installations lui appartenant ;
2°) d’ordonner la suspension de la décision du maire de Marseille en date du 24 avril 2001 ;
3°) de condamner la ville de Marseille à lui verser la somme de 15 000 F (2 286,74 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Stahl, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE (SFR) et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la ville de Marseille,
– les conclusions de Mme Mignon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant que pour rejeter, par l’ordonnance attaquée, la demande de la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) qui tendait à la suspension de la décision en date du 24 avril 2001 par laquelle le maire de Marseille avait résilié la convention d’occupation du domaine public relative à l’implantation d’installations de téléphonie mobile sur le site de l’école élémentaire des Borels et avait enjoint à cette société de démonter les installations lui appartenant, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a estimé qu’il n’appartenait pas au juge administratif d’annuler une telle décision qualifiée de « mesure prise par la personne publique envers un cocontractant » ;
Mais considérant qu’il entre dans les pouvoirs du juge administratif, saisi, y compris par le cocontractant, de conclusions en ce sens, de prononcer l’annulation de décisions portant résiliation de conventions d’occupation du domaine public ; qu’est par suite recevable une demande présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 précité et tendant à la suspension de telles décisions lorsqu’elles font l’objet d’un recours en annulation ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit et à demander, pour ce motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’en vertu de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;
Considérant que la décision du maire de Marseille en date du 24 avril 2001 a pour objet de mettre un terme à l’occupation par la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) de certaines dépendances de l’école élémentaire des Borels et pour effet de contraindre cette société à interrompre le fonctionnement du relais de téléphonie mobile qui y est implanté ainsi qu’à procéder au démontage de ses installations ; qu’il ne résulte toutefois pas de l’instruction que l’interruption du fonctionnement de ces installations réduirait la couverture des services de téléphonie mobile offerts par la société requérante dans l’agglomération marseillaise ou altérerait, de façon notable, leur qualité ; que la société requérante ne justifie pas que la suppression de ces installations impliquerait d’engager des travaux importants ; que dans ces conditions, l’exécution de la décision du maire de Marseille ne préjudicie pas de manière suffisamment grave et immédiate à la situation de la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) pour que la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative puisse être regardée comme remplie ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) n’est pas fondée à demander que soit prononcée la suspension de la décision du maire de Marseille en date du 24 avril 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Marseille qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) à verser à la ville de Marseille la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; DECIDE :
Article 1er : L’ordonnance du 28 juin 2001 du vice-président délégué par le président du tribunal administratif de Marseille est annulée. Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR) devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés. Article 3 : Les conclusions présentées par la ville de Marseille et tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE (SFR), à la ville de Marseille et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.