L’arrêt du Conseil d’Etat du 18 juin 2003 « Société Tiscali Télécom »
La Cour de justice des communautés européennes, par un arrêt en date du 6 décembre 2001, a jugé certaines des dispositions du code des postes et télécommunications français relatives au financement du service universel des télécommunications incompatibles avec le droit communautaire applicable. Cette circonstance faisait obstacle à l’application de ces dispositions par les autorités nationales. Or se fondant sur l’urgence et la nécessité d’assurer la continuité du fonctionnement du service universel des télécommunications, et par conséquent, de son financement par les opérateurs de télécommunications, le ministre délégué à l’industrie avait, par un arrêté du 11 juillet 2002, déterminer le montant prévisionnel du coût net du service universel.
C’est ainsi que la société TISCALI TELECOM, opérateur de services de télécommunications, a saisi le Conseil d’Etat de deux requêtes en annulation de l’arrêté cité ci-dessus.
1°) S’agissant de la demande en décharge du montant de la contribution des opérateurs de télécommunications au titre du service universel :
Selon le Conseil d’Etat, les contributions réclamées au titre du financement du service universel des télécommunications constituent un impôt dont le contentieux, compris parmi le contentieux général des actes et des opérations de puissance publique, relève de la compétence de la juridiction administrative ; en vertu des dispositions de l’article R. 312-1 du code de justice administrative, il appartient au tribunal administratif de Paris de connaître en premier ressort du contentieux relatif à cet impôt, établi par le ministre chargé des télécommunications en application du cinquième alinéa de l’article L. 35-3-2° du code des postes et télécommunications
2°) S’agissant de la légalité de l’arrêté du 11 juillet 2002 du ministre délégué à l’industrie en tant qu’il révèle l’existence d’une décision ayant fixé les nouvelles modalités de détermination du coût net du service universel des télécommunications et détermine le montant prévisionnel de ce coût net pour l’année 2002 :
Le Conseil d’Etat approuve le choix de l’arrêté alors même que le code des postes et télécommunications prévoit que ce coût est fixé par décret pris en Conseil d’Etat et selon une procédure particulière prévue à l’article III de l’article L. 35-3 du code des postes et télécommunications.
Prenant en considération cette situation particulière liée notamment à l’urgence qui s’attachait à l’adoption de règles nouvelles destinées à tirer toutes les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes et à assurer la continuité du financement et du fonctionnement du service universel, le Conseil tend à considérer qu’il peut faire entorse aux procédures internes prévues par la loi en vue de respecter l’arrêt de la CJCE. L’acceptation de cette affranchissement de la loi nationale ne semble néanmoins possible ici que dans la mesure où l’obligation de transparence est respectée, permettant ainsi la fixation des modalités d’évaluation et du montant du coût net du service universel dans des conditions de clarté et de délai suffisantes pour permettre aux opérateurs participant au financement du service universel de prévoir le montant des contributions qui leur seraient réclamées et de s’en acquitter dans les délais prescrits.
Le Conseil d’Etat annule donc l’arrêté querellé pour défaut de transparence, ledit arrêté n’ayant été ni publié, ni notifié. De plus, les opérateurs de télécommunications n’ont pas disposé d’un délai suffisant pour pouvoir déterminer le montant de la contribution prévisionnelle qui serait exigée d’eux au titre de l’année 2002 et s’en acquitter dans les délais fixés, lesquels ont d’ailleurs été abrégés.
Conseil d’État 2e sous-section, 18 juin 2003, SOCIETE TISCALI TELECOM, req. n° 250613 et n° 250608.